COVID-19


Motion du GSC sur la technologie et les situations d'urgence

DÉBATS DU SÉNAT: MARDI 16 JUIN 2020

No 47 : Motion tendant à autoriser le greffier du Sénat à préparer un rapport présentant les options technologiques et procédurales les mieux adaptées pour assurer la continuité des activités du Sénat en situation d’urgence—Ajournement du débat

Voir ici la vidéo.


L’hon. Scott Tannas :
Honorables sénateurs, aujourd’hui, c’est la première fois que je me trouve dans l’enceinte du Sénat depuis la mi-mars. Je tiens à remercier mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens ainsi que tous les sénateurs qui ont pu participer aux séances spéciales. Je remercie tous les employés de l’Administration du Sénat qui nous ont aidés lors des séances du Sénat, des réunions des comités et des autres réunions.

(1610)

Ce que j’ai vécu en venant ici m’a vraiment donné à réfléchir : arriver dans un aéroport désert, monter dans un avion quasi vide, traverser le pays en avion en n’ayant qu’un verre d’eau durant le vol, puis arriver dans un aéroport désert à Ottawa. Je sais que la plupart des Canadiens n’ont pas encore eu l’occasion de voyager. L’expérience n’est plus aussi attrayante qu’avant.

C’était une drôle de situation. En descendant de l’avion, j’ai traversé l’aéroport d’Ottawa, qui est normalement bondé. Je suis allé à la station de taxis, mais il n’y en avait aucun. Il n’y avait pas de voitures dans les rues. Il n’y avait que moi et un écureuil sur le trottoir. Peut-être qu’il allait à l’autre endroit, qui sait. Quoi qu’il en soit, nous avons attendu un taxi ensemble.

Je tiens à remercier la sénatrice Verner d’avoir présenté le préavis de motion en mon nom le 11 avril dernier. Ce n’est pas juste ma motion, c’est une motion du Groupe des sénateurs canadiens. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais cette motion vient de nous tous.

Lorsque l’avis a été donné, il était entendu que nous ne serions pas en mesure de définir les solutions technologiques que nous allions utiliser en pleine crise. Il était trop tard pour que nous puissions vraiment contribuer à la planification et à la mise en place de la meilleure solution technologique pour le Sénat. Ainsi, la motion visait plutôt les trois objectifs suivants, lorsque le Sénat serait de retour et que les travaux auraient repris leur cours habituel.

D’abord, la motion donnait instruction au greffier intérimaire du Sénat d’étudier, afin d’en faire rapport, les options technologiques offertes qui permettraient au Sénat de continuer à fonctionner normalement et à s’acquitter de ses devoirs parlementaires et constitutionnels en tout temps.

Ensuite, il s’agissait de demander au Comité de la régie interne et au Comité sénatorial du Règlement d’examiner le rapport, dès sa rédaction terminée, pour recommander au Sénat les meilleures pratiques technologiques, procédurales et administratives qu’il devrait intégrer à un plan pour assurer la continuité de ses fonctions législatives en cas d’autres situations d’urgence après cette vague d’épidémie.

Enfin, la motion proposait aux sénateurs la mise en œuvre d’un plan de contingence pour permettre au Sénat d’adapter rapidement ses règles et ses pratiques, en plus de prévoir le recours à des technologies et à des mesures de sécurité en cas de deuxième vague ou de toute autre situation d’urgence future.

Nous avions espoir que la motion soit adoptée le 11 avril et que le greffier puisse ensuite concentrer ses efforts sur ce projet à long terme, en plus des efforts qui auraient aidé le Parlement du Canada à se remettre sur pied. L’espoir était que le préavis de motion aurait également servi à ce que le greffier et l’administration commencent à envisager cette question comme étant distincte de ce qui se passe à l’heure actuelle.

Nous n’avons pas été en mesure de nous entendre pour adopter la motion. Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement n’était pas prêt. Cela n’a pas fonctionné, mais ce qui s’est passé depuis a permis de mettre en lumière ce sur quoi porte cette motion et les raisons pour lesquelles nous devons réfléchir à la suite des choses.

Faisons le point sur ce qui s’est passé et voyons où en sont les choses aujourd’hui. Les travaux réguliers du Sénat ont été ajournés pour trois mois, et plus de deux mois se sont écoulés depuis que ce préavis a été présenté. Que s’est-il passé? Comment nous acquittons-nous de nos responsabilités constitutionnelles et parlementaires de sénateurs? Le faisons-nous? La question a justement été posée aujourd’hui.

Jusqu’ici, grâce aux efforts des employés de l’Administration du Sénat et des comités, le Comité des affaires sociales et le Comité des finances nationales peuvent fonctionner. Ils ont pu tenir des réunions hebdomadaires en ligne sur la réponse du gouvernement face à la pandémie de COVID-19. Le Comité sénatorial sur l’éthique et le Comité de la régie interne ont également pu se réunir et certains des sous-comités de ce dernier ont aussi tenu des réunions virtuelles.

Il faut souligner le travail qui a été fait et continue d’être fait par les employés de l’Administration du Sénat ainsi que le personnel des sénateurs. C’est grâce à eux que ces réunions peuvent avoir lieu.

Par ailleurs, certains sénateurs, dont moi-même, ont obtenu quelques détails à propos d’autres mesures qui permettraient la tenue dans un avenir rapproché de vraies séances du Sénat, virtuelles ou selon une formule hybride, dans les deux langues officielles. Nous ne savons pas encore vraiment ce qui se passe dans les coulisses ni quand ces mesures temporaires pourraient être mises en œuvre pour nous permettre de reprendre le travail, de débattre et de procéder à des votes sur place ou à distance.

La frustration des sénateurs, déjà bien présente, ne fait qu’augmenter. L’absence d’information, de transparence et de progrès après trois mois est devenue inacceptable, en particulier dans le contexte où les gouvernements, les autorités de santé publique, les hôpitaux, les petites et grandes entreprises ainsi que les Canadiens se préparent à une deuxième vague de COVID-19 tout en poursuivant leurs activités normales. Notre système démocratique exige un Parlement robuste, ce qui inclut un Sénat qui peut jouer son rôle essentiel qui consiste à exiger des comptes du gouvernement, en temps normal comme en temps de crise.

Il ne fait aucun doute que bon nombre de sénateurs du groupe dont je fais partie et d’autres groupes éprouvent un sentiment de frustration et d’exaspération croissant du fait de ne pas pouvoir participer pleinement aux débats sur les quatre projets de loi budgétaires sur la COVID-19 qui ont été adoptés jusqu’à présent.

De strictes règles provinciales et territoriales visant les déplacements, des préoccupations justifiées en matière de santé publique, le peu de vols et d’hôtels disponibles ainsi que les mesures de santé et de sécurité mises en place au Sénat empêchent plusieurs de nos collègues d’être présents ici aujourd’hui.

J’ai l’impression que cette frustration ne fera que croître tout au long de cette séance alors qu’ils sont chez eux à nous regarder à la télévision ou sur Internet, incapables d’exercer leurs privilèges et de s’acquitter de leurs responsabilités, même à distance, en débattant de projets de loi, en votant ou en participant aux travaux du Sénat. Après tout, nous sommes la Chambre censée représenter les intérêts de l’ensemble des régions et des groupes minoritaires mais, depuis la mi-mars et encore à ce jour, il nous est impossible de nous acquitter de notre tâche.

Entretemps, nos collègues de l’autre endroit siègent en comité de façon active et transparente depuis la mi-avril grâce à des séances virtuelles qui leur permettent de consulter des experts partout au Canada et à l’étranger pour s’attaquer aux défis dont je viens de faire mention. Un premier rapport détaillé de 74 pages a été déposé en mai et le second, qui devrait être déposé incessamment, devrait comprendre des recommandations sur un système de vote à distance pouvant être utilisé pendant les séances virtuelles et hybrides.

Aux yeux du public, il est juste de dire que le Sénat traîne sérieusement de l’arrière par rapport à la Chambre, qui tient des séances hybrides spéciales depuis la fin mai.

Le Canada n’est pas le seul à chercher une solution. D’autres pays ont mené des études similaires. Je limiterai mes observations à la Chambre des lords du Royaume-Uni.

Le 16 avril, la Chambre des lords a publié un document d’orientation en vue de la reprise des travaux le 21 avril. L’objectif était de mettre en place des mesures créant un équilibre entre les exigences constitutionnelles qui prévoient un nombre minimal de présences physiques à la Chambre et la tenue de séances virtuelles grâce à des moyens technologiques qui facilitent la participation et garantissent la sécurité. Le 8 juin, après avoir terminé son document d’orientation, la Chambre des lords a tenu une toute première séance hybride. Le 10 juin, il y avait déjà eu 20 séances virtuelles ou hybrides. Le 15 juin, la Chambre des lords a annoncé qu’un système de vote en ligne permettait désormais de voter par téléphone intelligent, tablette ou ordinateur.

(1620)

Chers collègues, la pandémie en cours a fait ressortir une faiblesse de notre institution. Sur le plan technologique, le Sénat n’a manifestement pas progressé au même rythme que les autres Chambres du système de Westminster, y compris l’autre endroit au sein du Parlement canadien.

Pourquoi? Je ne le sais pas. Je pense que, très bientôt, nous serons saisis d’une solution qui nous permettra de nous réunir. Elle fonctionnera bien pour nous. Elle sera conçue pour nous et pour l’autre endroit. Elle s’inspirera de l’expérience vécue à l’autre endroit. Toutefois, nous devons être conscients du fait que, lorsque nous pourrons enfin utiliser cette technologie, le Sénat sera probablement l’une des toutes dernières institutions à disposer d’un plan à cet égard qu’il pourra mettre en pratique.

En conséquence, au cours des semaines et des mois à venir, nous devrons aussi mener un exercice complet sur les leçons apprises afin que les membres de cette assemblée ne soient plus jamais privés de leurs droits et de leurs privilèges, qui consistent à servir les Canadiens. Au cours des mois et des années à venir, il ne faudrait pas que le Sénat accepte comme solution temporaire un copier-coller de la formule adoptée à l’autre endroit.

Il nous faut une solution à long terme, qui découle d’un second examen objectif et qui réponde expressément à nos besoins. Contrairement à l’autre endroit, nous représentons les régions, les peuples autochtones, les minorités linguistiques et les communautés ethnoculturelles du pays. Nous devons aussi tenir compte des caractéristiques démographiques particulières des membres de notre assemblée.

Nous pouvons nous inspirer d’initiatives adoptées ailleurs, mais nous devons mener cet exercice de manière indépendante afin que cette solution soit la mieux adaptée aux caractéristiques et aux besoins spécifiques de cette Chambre.

Nous devons également envisager d’effectuer les investissements appropriés afin de ne plus être aussi dépendants de l’autre endroit en ce qui concerne la technologie, la formation et le soutien opérationnel. Le Sénat ne devrait pas être réduit à une institution secondaire que l’on consulte après coup, comme cela semble avoir été le cas durant cette crise.

À mon sens, cette motion, qui vise à établir une solution permanente pour les situations futures, demeure digne de votre considération, et je vous demande de l’appuyer. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)